In case you no Parlez Francais


Oolala! The online version of the Liberation article on Najib actually has more detail than the print version (http://www.liberation.fr/monde/0101472912-un-cadavre-tres-derangeant). Please note the sections marked red to get an idea of how damaging the piece is to the reputation of Malaysia and its next Prime Minister.

THE CORRIDORS OF POWER

Raja Petra Kamarudin

Un cadavre très dérangeant

grand angle

Le meurtre d’une interprète mongole, au cœur d’un thriller mêlant ventes d’armes, jet-set et pouvoir, pourrait compromettre le futur homme fort du pays.

KUALA LUMPUR et OULAN-BATOR, envoyé spécial ARNAUD DUBUS

C’est le récit d’un meurtre, tel qu’on le lit dans un rapport confidentiel de la police malaisienne. Celui d’Altantuya, une jeune interprète asiatique, prise dans une sombre affaire de ventes d’armes entre la France et la Malaisie. Un meurtre dans lequel pourrait être impliqué l’homme promis à devenir, fin mars, Premier ministre de la Malaisie.

«QuandlaChinoiseavuquejeprenaisunearmeàfeu,ellem’asuppliédel’épargnerendisantqu’elleétaitenceinte», raconte Sirul Omar, policier de la Special Branch malaisienne, à un autre policier d’un commissariat de Kuala Lumpur, la capitale du pays. «Azilah [le supérieur de Sirul] a attrapé la Chinoise et l’a projetée à terre. J’ai immédiatement tiréenvisantsatempegauche. Ensuite, Azilahl’adéshabilléeetamisses habits dansunsacenplastique noir. Azilah avuquesamainbougeaitencore. Ilm’aordonnédetirerunesecondefois,cequej’aifait», lit-on dans ce document de cinq pages, resté secret jusqu’à présent – et que Libération a pu se procurer. «Onaensuitetransportélecorpsdanslajungle. Azilahl ’aentouré d’explosifsetnousl’avonsfaitsauter», poursuit Sirul, qui a toujours cru qu’Altantuya Shaaribuu, tuée en octobre 2006, était chinoise. Elle était en réalité mongole.

When the Chinese saw that I had a gun, she begged me not to kill her saying that  she was pregnant, says Sirul Omar. Azilah threw her to the ground and I pointed the gun to her left temple. Then Azilah took her clothes off and put them in a black plastic bag. Azilah saw that her hand was still moving and I was ordered to fire a second time, which I did. Liberation has obtained a 5-page document which had remained a secret up until now.  Sirul thought she was a Chinese national.

Disparition de témoins

D’une grande beauté, cette jeune femme de 28 ans frayait dans la jet-set asiatique. Une sorte de Mata Hari d’Extrême-Orient, qui avait passé son enfance à Saint-Pétersbourg (Russie), puis étudié à l’Institut de gestion économique de Pékin. Outre l’anglais, elle parlait couramment le russe, le chinois et le coréen. La révélation, par Libération, de ce rapport de police est le dernier rebondissement d’un rocambolesque thriller où se côtoient marchands de canons français, chamanes mongols et politiciens malaisiens.

Non seulement l’affaire est explosive pour le gouvernement malaisien – le vice- Premier ministre Najib Razak est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat -, mais elle pourrait aussi mettre en porte-à-faux la société française DCNS, spécialisée dans la construction navale militaire. En 2007, DCNS a en effet absorbé Armaris, la société franco-espagnole qui, en juin 2002, a vendu à la Malaisie deux sous-marins Scorpène et un sous-marin d’occasion Agosta. Montant : un milliard d’euros, dont quelques «commissions». Le meurtre de la jeune Mongole est une conséquence du versement d’une enveloppe de 114 millions d’euros par Armaris à la partie malaisienne. C’est ce paiement, reconnu officiellement par le gouvernement malaisien devant le Parlement de Kuala Lumpur, qui a enclenché une cascade d’événements, dont la disparition des principaux témoins de l’affaire et l’assassinat d’Altantuya.

Not only this is very explosive for the malaysian government, but Najib is suspect of ordering the killing. DCNS, which specialises in building naval military, took over Armaris in 2007. The latter was the company which sold three submarines to Malayasia for 1 billion Euros of which there was some commission payment amounting to 114 million Euros which was officially recognised by the government. Thereafter, events enfolded which concluded with the disparition of main witnesses and Altantuya’s murder.

Pour la jeune femme, l’engrenage fatal débute en 2004, lorsqu’elle rencontre, à Hongkong, Abdul Razak Baginda, un expert militaire qui dirige le Malaysian Strategic Research Centre. Ils nouent rapidement une liaison amoureuse et Altantuya – que ses amis appellent Tuya – l’assiste, traduisant par exemple des documents russes.

Altantuya est jeune et belle ; le riche et séduisant Baginda est une personnalité en vue de la jet-set malaisienne, notamment du fait de sa proximité avec le vice-Premier ministre et ministre de la Défense malaisien, Najib Razak, dont il est le conseiller pour les affaires de sécurité. Baginda apparaît dans les cercles les plus fermés de Kuala Lumpur, parfois en compagnie de son épouse légitime.

En mars 2005, Altantuya et Baginda partent pour une tournée européenne : la France, l’Allemagne, l’Italie, le Portugal traversés dans la Ferrari rouge du Malaisien, avec des haltes dans les hôtels les plus chics. Ce périple n’est pas seulement touristique : l’accord pour l’achat des sous-marins a été signé en 2002, mais des détails importants restent à discuter. «On sait que Baginda était utilisé par le vice-Premier ministre Najib Razak comme intermédiaire pour certains contrats d’armements, particulièrement ceux de haut niveau», explique un expert régional en matière de sécurité.

Fin mars, le couple est à Paris, où il retrouve Najib Razak. Une photo prise fin mars 2005 montre le trio dans un club privé parisien. Selon un détective privé qui a enquêté sur cette affaire, la belle Tuya était aussi la maîtresse occasionnelle du vice-Premier ministre, qui lui avait été présenté par Baginda fin 2004.

Scènes de harcèlement

Cette histoire tourne au drame, quand, en octobre 2006, Altantuya apprend que la commission versée par la société franco-espagnole Armaris est arrivée sur un compte à Kuala Lumpur. Elle a été encaissée par Perimekar, une société que dirige Baginda. Altantuya file alors d’Oulan-Bator à Kuala Lumpur, pour réclamer sa part à Baginda, dont elle s’est séparée entretemps : 500 000 dollars lui auraient été promis ! Par jalousie, l’épouse de Najib Razak, la redoutable femme d’affaires Rosmah Mansor, se serait opposée à ce que la jeune Mongole touche de l’argent. Altantuya arrive alors en Malaisie avec deux autres Mongoles, dont une chamane chargée de jeter un sort sur Baginda s’il ne lui donne pas l’argent. Pendant plusieurs jours, elle harcèle son ex-amant. Le 18 octobre, Baginda ne supporte plus les scènes d’Altantuya devant son domicile. Il contacte le directeur de la Branche spéciale de la police malaisienne, Musa Safrie, lequel est aussi l’aide de camp du vice-Premier ministre Najib Razak.

In October 2006, Altantuya learnt of the commission by Armaris was in a bank account in Malaysia. Payment was made to Perimekar, a company belonging to Baginda. Altantuya was promised US500k. Rosmah opposed this deal. Altantuya arrives in Malaysia with two other Mongolians, one of whom to put a curse on Baginda. He can’t take it any longer and contacts Musa Safrie, Najib’s aide.

Le 19 octobre en début de soirée, deux policiers de la Branche spéciale, Azilah Hadridan et Sirul Omar, sont envoyés devant le domicile de Baginda où Altantuya trépigne et hurle. Ils ont ordre de «neutraliser la Chinoise» : ils la kidnappent, la conduisent à une dizaine de kilomètres du domicile de Baginda et la tuent par balles. Puis ils détruisent son corps à l’aide d’explosifs C-4, lesquels ne peuvent être obtenus qu’avec l’accord du ministère de la Défense. Son entrée sur le territoire malaisien est effacée des registres de la police malaisienne de l’immigration. Altantuya n’est donc jamais venue en Malaisie en octobre 2006 – il n’y a plus aucune trace d’elle.

Mais il n’y a pas de meurtre parfait. Le chauffeur de taxi qu’Altantuya avait engagé pour la journée n’a pas vu d’un bon œil sa cliente enlevée sous son nez sans que la course soit payée. Avisé, il relève le numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture des kidnappeurs et porte plainte au commissariat le plus proche. En quelques jours, la police identifie la voiture et s’aperçoit qu’il s’agit d’un véhicule officiel. C’est l’engrenage, auquel même le vice-Premier ministre Najib Razak ne peut plus échapper. Il tente d’étouffer l’affaire. Quelques heures avant l’arrestation de Baginda, Najib lui envoie un texto : «Je vois l’inspecteur général de la police à 11 heures… Le problème va être résolu. Reste cool.» Las, Baginda est bientôt arrêté ainsi que les deux policiers de la Branche spéciale, Azilah et Sirul.

The taxi driver which Altantuya hired took down the car number which transported her to her death. Police discovered that it was an official car, a bind which Najib cannot escape from. A few hours before his arrest, Najib sends Baginda an sms, « I’m meeting the inspector general of police at 11am. The problem will be resolved » 

Au terme d’un procès jugé douteux par de nombreux observateurs, Baginda, accusé d’avoir ordonné le meurtre, est acquitté en novembre 2008. Accusés d’avoir exécuté le sale boulot, Azilah et Sirul ont comparu le mois dernier devant le tribunal. Ils sont passibles de la peine de mort et le verdict doit être rendu le 9 avril.

L’affaire Altantuya est devenue un élément central du jeu politique malaisien entre Najib Razak – qui a toutes les chances d’accéder à la tête du gouvernement – et le chef de l’opposition Anwar Ibrahim. Razak a pour l’instant réussi à éviter les écueils, mais le meurtre de la jeune femme reste une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

A des milliers de kilomètres de là, dans la capitale mongole Oulan-Bator, Shaaribuu Setev, le père d’Altantuya, rumine sa colère. Calé dans un sofa du lobby d’un hôtel où le vent glacial s’engouffre par bourrasques, son père, un professeur de psychologie d’une soixante d’années, s’emporte : «Ma fille a été tuée sur le sol malaisien par des Malaisiens. Et ils n’ont même pas eu un mot d’excuse ! Le gouvernement malaisien ne répond même pas aux lettres du ministère mongol des Affaires étrangères.»L’acquittement de Baginda lui a paru une injustice flagrante. Quand le père d’Altantuya est venu au Parlement malaisien pour rencontrer Najib Razak, celui-ci s’est éclipsé par une porte dérobée pour éviter une entrevue embarrassante.

Visa Schengen

Altantuya laisse derrière elle deux orphelins : Mungunshagai, son fils aîné, âgé de 12 ans, est traumatisé par la disparition de sa mère. Altanshagai, 5 ans, qui souffre d’un handicap mental, n’a pas encore compris qu’il ne reverra jamais sa mère. «Il réclame Altantuya sans arrêt et reste prostré sur une chaise. Tous les soirs, je lui apporte des bonbons et je lui dis que c’est sa mère qui les a donnés», nous confie son grand-père.

Un des points obscurs de l’affaire porte sur le jeu joué par la firme Armaris. En octobre 2007, le vice-ministre de la Défense, Zainal Abdidin Zin, a reconnu devant le Parlement qu’Armaris avait bien versé une commission de 114 millions d’euros à Perimekar. Toutefois, a-t-il assuré, il ne s’agissait pas d’un pot-de-vin, mais d’un paiement pour «services de soutien et de coordination».

Y a-t-il eu corruption, comme dans l’affaire des frégates de Taïwan dans laquelle la DCNS était aussi impliquée ? La DCNS, société privée à capitaux publics, n’a pas souhaité nous répondre. «Personne ne peut commenter cette affaire», nous a sobrement rétorqué le responsable des relations avec la presse à Paris. Un document établissant un lien entre Altantuya et la firme française pourrait être une lettre de garantie écrite en 2005 par Abdul Razak Baginda pour que sa maîtresse obtienne un visa lui permettant d’entrer dans l’espace européen Schengen. L’ambassade de France n’a pas pu refuser cette faveur à un homme décoré de la Légion d’honneur. Le rôle d’Altantuya dans les négociations pour l’achat des sous-marins n’est pas clair, non plus. Son profil ne manque pas d’intriguer les milieux du renseignement et le FSB russe (l’ex-KGB) s’intéresserait de près à l’affaire. De son côté, Baginda s’est installé en Grande-Bretagne avec sa famille. Jamais il n’a eu un mot de regret sur le sort funeste de celle qui a partagé sa vie pendant deux ans.

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